Kozlika a dit :

Le seul truc intéressant, parce que ça a un sens dans la démarche artisitique c'est : est-ce une photo telle qu'elle a été prise ou une œuvre d'après photo [...]

La question a un sens, mais elle ne se pose pas vraiment à mon avis : toute photo présentée, que ce soit à but artistique ou commercial, est retravaillée. Que ce soit par des opérations simples (recadrage, modification du contraste, accentuation des contours, ...) qui ne « dénaturent » pas l'image ou d'autres opérations plus « destructrices » (faire disparaître un personnage, coller deux images ensemble pour obtenir un cliché plus dramatique, ...) Même les photos utilisées par les journaux n'échappent pas à cette règle (exemples concrets un peu plus loin). Probablement que la seule exception au côté retravaillé des photos est celle des milliers de clichés pris avec son téléphone portable et immédiatement mise en ligne sur un moblog... mais à mon avis, ces photos auraient vraiment besoin de subir un processus éditorial avant d'être publiées...

J'ai promis deux exemples concrets... bien entendu, je n'arrive plus à retrouver les adresses des articles en question (tu vois, Koz, cela n'arrive vraiment pas qu'à toi...) Je vais essayer de les décrire en détail, peut-être que les images vous reviendront à l'esprit.

Le premier dont je veux parler à fait grand bruit l'année dernière. Il s'agissait d'une photo prise en Irak, dans un camp de réfugiés. On y voyait une foule de réfugiés assis par terre, face à un soldat américain, arme dans la main droite et main gauche levée pour faire signe de s'arrêter. Face à lui, un homme est en train d'avancer, portant un bébé dans ses bras. Cela vous rappelle quelque chose ? elle a quasiment fait le tour du monde (et à juste titre, tout y était parfait, de la composition jusqu'à la dose émotionnelle qu'elle transmettait). Toutefois, certains observateurs attentifs se sont rendus compte qu'un des hommes assis apparaissait deux fois sur la photo. Il s'est finalement avéré que le photographe a combiné deux photos pour générer celle qui a été publiée, la combinaison de l'attitude des personnages principaux était plus poignante dans la photo recomposée que dans les deux photos prise séparément (alors que seulement quelques dizaines de secondes séparaient les deux photos). Cela a généré un fort débat sur l'importance des photos dans les médias, et notamment sur la facilité qu'elles ont de nous tromper. [1] On est là, bien entendu, dans le cas des photos retravaillées de manière lourde.

Le deuxième cas était apparu sur une page web présentant trois fois la même photo, mais publiée dans trois quotidiens différents. Il s'agissait d'une photo d'agence, prise à la Nouvelle-Orléans lorsqu'elle se faisait dévaster par l'ouragan Katrina. On y voit un homme, essayant de traverser une rue vide au milieu du déluge. Bien que partant de la même source, aucune des photos présentées par les quotidiens ne faisait passer le même message. Les retouches étaient très faibles : recadrage, augmentation du contraste, ... rien de bien sorcier, et n'importe quel photographe amateur fait le même genre d'opérations dans sa chambre noire à chaque fois qu'il réalise des tirages. Et pourtant, au final, chacune des photos présentait un tout autre message : l'une d'entre elle avait accentué le côté oppressant, une autre se concentrait sur le côté humain en « rabotant » une partie des bâtiments, ... À vous de juger, puisque je viens de retrouver l'article présentant ces trois versions.

Et si on oublie le photojournalisme (où l'on s'attend à avoir des photos non-retouchées) et la publicité (où l'on sait qu'aucune photo n'est « vraie ») et que l'on s'intéresse plus aux artistes, je suis encore plus persuadé que toutes les photos sont retouchées. En effet, je ne vois pas un artiste accepter de présenter une image où il y ait le moindre petit détail qui ne lui convienne pas.

En fait, je crois que la véritable question est plutôt de savoir jusqu'à quel point de retouches une photo est encore considérée comme « vraie » avant de verser dans le domaine du « trucage »... mais bien entendu, on ne pourra jamais fixer de règle précise...

Deux exemples pour terminer, basés sur les deux dernières photos que j'ai publiée sur mon photoblog. Celle d'aujourd'hui n'a subi que peu de modifications : une très légère rotation pour la remettre d'aplomb, accentuation des contours,[2] et une très légère modification de luminosité. C'est typiquement le genre de retouches légères, mais ce n'est déjà plus la photo d'origine... A-t-elle malgré tout conservé son côté « vrai » ?

Quant à la photo d'hier, les retouches ont été beaucoup moins nombreuses, mais plus lourdes : accentuation des contours (comme toujours) et, surtout, suppression d'un morceau de micro qui était coupé par le cadre et semblait flotter en l'air. J'aurai pu résoudre ce défaut par simple recadrage, mais la photo eut été moins harmonieuse du point de vue de la disposition des « volumes. »

Et vous, que pensez-vous de ce débat ?

(Note finale : cet article ayant été écrit d'une traite, sans relecture et à une heure tardive, n'hésitez pas à me faire remarquer les fautes d'orthographe et de grammaire dont il est certainement truffé. Merci.)

Notes

[1] Tiens, voilà encore un excellent sujet de débat : pourquoi croit-on si facilement qu'une photo représente la (ou en tout cas une) réalité, alors que l'on sait qu'il est si facile (et cela depuis des décennies) de les manipuler? Mais si je me lance là-dedans, je vais (encore une fois) trop dériver du sujet...

[2] Toute photo numérique passe par cette étape, qu'elle ait lieu directement dans l'appareil ou par après dans un logiciel de retouche.